Interview de Wadie Maaninou, Co-fondateur de TOLV

TOLV - Wadie Maaninou

Transformer son véhicule thermique en électrique est désormais possible grâce au rétrofit. Cette innovation permet de s’engager dans une transition énergétique, tout en conservant son véhicule d’origine.Nous avons eu l’honneur d’échanger avec Wadie Maaninou, co-fondateur de TOLV, pionnier du rétrofit des véhicules professionnels en France.

Quels sont les avantages du rétrofit d’un véhicule professionnel ?

La conversion d’un véhicule est bien moins onéreuse que l’acquisition d’un véhicule neuf ; le prix est divisé par 3 en général sur la gamme que nous proposons. Le véhicule peut alors conserver ses aménagements d’origines.

D’un point de vue écologique, la transformation au lieu de la construction d’un nouvel utilitaire pollue beaucoup moins. Enfin, les constructeurs automobiles rencontrent des problèmes de stocks importants. Les délais d’attente sont de 1.5 à 2 ans, alors que les politiques de ZFE sont en place et la pression sur les professionnels présente. Le rétrofit permet de livrer très rapidement les clients et de continuer leur activité sans trop d’interruption.

Peut-on rétrofiter tous les véhicules homologués routes aujourd’hui ?

Oui, la réglementation nous y autorise, techniquement il n’y a pas de difficultés.

La seule question c’est : est-ce que c’est réellement intéressant économiquement pour les clients et/ou pour l’entreprise qui fait le rétrofit ? Cette réflexion nous a rapidement orienté vers le marché des professionnels, où il y a peu de diversité de modèles, en comparaison avec le B2C.

Le marché français est-il en avance dans ce domaine  ?

Nous avons démarré l’aventure en 2018. A l’époque, il n’était pas possible d’homologuer un véhicule rétrofité. Il fallait l’accord du constructeur pour chaque véhicule construit et faire une réception à titre isolée pour chaque véhicule. En résumé, impossible d’industrialiser une quelconque offre.

En avril 2020, la France est devenue le premier pays au monde à avoir une réglementation pour le rétrofit et qui permet l’homologation en série pour les véhicules de plus de 5 ans, et sans l’accord du constructeur. De nombreux pays européens essaient de calquer cette réglementation.

Par ailleurs, les subventions publiques françaises significatives encouragent grandement le développement de ce secteur.               

Quels obstacles sont à surmonter pour développer cette solution ?

Dans un premier temps, il y a l’aspect technique, réglementaire et d’homologation des véhicules. TOLV a été le premier acteur à pouvoir homologuer des véhicules rétrofités sur le marché français.

Nous nous sommes aperçus par la suite que les principaux enjeux relevaient de l’équation : « Qualité – Coûts – Délais »

Nous avons la chance d’avoir un partenariat avec Renault, qui nous permet de gagner beaucoup de temps sur l’industrialisation et sur le déploiement de notre solution.

Pouvez-vous nous présenter TOLV ?

TOLVest une société française fondée en 2019 qui a pour mission de rendre la mobilité plus propre et plus accessible, par le rétrofit. Nous proposons un kit de conversion, que nous avons conçu de A à Z en interne. Nous sommes aujourd’hui à la phase de déploiement commercial et d’industrialisation de notre solution, en partenariat avec Renault.       

TOLV ne fabriqus pas le moteur, les batteries et le contrôleur nous-mêmes, mais toute l’architecture électrique, le software, les calculateurs et la conception qu’il y a autour de notre kit. Cette valeur ajoutée permet aux composants de pouvoir communiquer entre eux, et s’intégrer dans un environnement qui était thermique à la base, et n’était pas fait pour les accueillir.

Pourquoi avoir choisi de proposer les Renault Traffic et Renault Master ?

Nous avons ciblé les clients avec des besoins de transports urbains/péri-urbains de 50 à 150 km par jour. Ces deux modèles sont parmi les plus répandus. Nous avons commencé par le Renault Traffic, car il n’y avait pas de version électrique par Renault, puis sur le Master, car c’est l’utilitaire le plus vendu sur sa gamme. Nous avons standardisé notre kit technologique et pourrons l’intégrer sans problème sur d’autres modèles de d’autres constructeurs.

Quelle est l’autonomie de vos véhicules rétrofités ?

Le Traffic a 130 km d’autonomie, le Master en a 200 km WLTP.

Comment se déroule le processus d’installation du kit chez TOLV ?

Le rétrofit est une solution récente dont les pratiques sont souvent artisanales. Nous avons décidé de concevoir le kit le plus « plug & play » possible, rendant la conversion assez simple.

Les étapes sont les suivantes : nous réceptionnons le véhicule, soustrayons le moteur et bloc thermiques et enlevons le réservoir à carburant. Puis, nos outils permettent de glisser dans le véhicule le kit, de poser les attaches sur le châssis et d’intégrer le pack batteries à la place du réservoir.

L’opération ne prend que quelques heures et la conversion totale moins d’une journée. Nous effectuons systématiquement des tests sur le véhicule rétrofité pour s’assurer de la qualité de notre service.

Avez-vous quelques exemples de mise en circulation d’utilitaires équipés par TOLV ?

Nous avons commencé les livraisons en janvier 2023. Depuis, nous avons équipé une quinzaine de clients dont les villes de Montreuil, Grenoble, Strasbourg, la métropole de Rouen, mais également des PME des secteurs du bâtiment, de la plomberie, et de la livraison du dernier kilomètre.

Prochainement, nous livrerons des grands groupes du transport et du BTP.

Quels sont les retours clients sur ces véhicules ?

Les véhicules une fois qu’ils sont convertis, possèdent les mêmes avantages que les véhicules électriques neufs, que ce soit le confort de conduite, le silence et la consommation d’énergie.
Les premiers retours clients sont très positifs.

Combien coûte cette conversion ?

Le prix varie selon de multiples critères (véhicule, flotte, client…). Cependant, pour vous donner une échelle, le rétrofit d’un Renault Traffic oscille entre 15-20 000€ et celui d’un Renault Master entre 20-25 000€. Ces prix sont obtenus après réduction des subventions nationales (entre 5-9 000 €) et régionales (2-5 000€).

En comparaison, l’achat d’un Renault Traffic électrique neuf n’est pas encore disponible (mais sera à partir de 50 000 €) tandis que celui d’un Renault Master est à partir de 55 000 € pour une entrée de gamme, et des délais de livraison conséquents.

Que faites-vous du moteur thermique récupéré ?

Nous avons des circuits qui permettent de faire du réemploi, du recyclage des pièces du moteur thermique.

Vous avez lancé une campagne de financement chez TOLV. Pouvez-vous nous en dire un peu plus ?

Nous sommes en train de clôturer un tour de table institutionnel de plusieurs millions d’euros, dans lequel nous avons intégré une partie en financement participatif de 1 million d’euros. L’idée étant de permettre à tout particulier intéressé par le projet de pouvoir y contribuer. La campagne est accessible sur la plateforme LITA.

Quelle est la vision de TOLV à long terme ?

Notre volonté est de montrer que le rétrofit est possible et a une place comme solution mature techniquement, industrialisable et compétitive, en complément des offres neuves des constructeurs.

Nous pensons que dans le mix d’offre électrique, il faut qu’il y ait du reconditionné, de l’économie circulaire, et du rétrofit.

Nous souhaitons rester concentrés sur le véhicule utilitaire, afin d’accompagner un maximum de professionnels dans le verdissement de leur flotte.


Propos recueillis par Melchior Dubais pour Les Interviews Mobilités – Juin 2023. Retrouvez l’ensemble de nos interviews en cliquant ici.

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